Le mauvais procès intenté à l'église catholique

Publié le 12 octobre 2024 à 17:47

Sous l’influence de la Réforme, de la Renaissance, des philosophes des Lumières, l’on est peu à peu passé de la famille traditionnelle héritée du monde gréco-romain à la famille moderne. Le mariage par amour est mis en valeur. Les mariages arrangés dans l’intérêt des familles disparaissent peu à peu. Après les années 70 l’on passera à la famille contemporaine.

Défendre aujourd’hui la famille traditionnelle, celle des soixante ans et plus, la prendre comme modèle, est souvent perçu comme une attitude réactionnaire. Être de gauche signifie privilégier a priori le choix de l’individu contre la famille, et sous-entendre que l’on est en faveur de la liberté sexuelle, bref que l’on est opposé à tout ce qui rappelle le puritanisme. En ce début du XXI e siècle, la révolution de 1968 est vécue comme la grande libération du carcan qu’imposaient les Églises dans une société bourgeoise et puritaine. Mais il convient de parler de puritanismes au pluriel, car l’un est d’origine protestante, l’autre d’origine catholique mâtinée paradoxalement d’un moralisme révolutionnaire.

Or les idées toutes faites à l’encontre d’un puritanisme catholique tombent à la lecture des pages écrites par J. C. Guillebeaud dans la tyrannie du plaisir. On y découvre tout d’abord que le Moyen-âge, associé tout naturellement à l’image de la famille traditionnelle, fut une période beaucoup plus ouverte, libérale qu’on ne l’imagine. L’Eglise n’y a de-loin pas exercé la pression insupportable dont on l’accuse. Certes ! Elle joua un rôle important à la normalisation des rapports sexuels en fonction par exemple des dates inscrites au calendrier chargé de connotations religieuses.

Elle s’ingénia à répertorier les interdits sexuels de façon minutieuse mais était indulgente au Moyen-âge en ce qui concerne la prostitution ou encore le concubinage des prêtres, voire l’homosexualité. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir des XIe et XII eme siècle que l’Eglise impose le mariage. De plus, elle s’opposa au mariage arrangé, pratique alors répandue, contrairement à l’Etat qui voulait le maintien de l’autorité parentale sur le mariage. Elle souhaitait que celui-ci soit l’aboutissement d’une volonté de l’homme comme de la femme. La raison en était que l’Église pouvait alors peser dans le choix des conjoints et favoriser ainsi son rôle politique. Les arguments avancés étaient d’éviter les « incestes », les mariages entre cousins trop proches par exemple.

Guillebaud rapporte que fidèle aux théories de Gallien, docteur du deuxième siècle dont les enseignements passèrent à la postérité, l’Église avait été tout à fait favorable à ce que la femme éprouve l’orgasme en même temps que son époux. La théorie de Gallien stipulait que cela favorisait la procréation. Ce bref éclairage témoigne de l’existence possible d’une véritable érotique chrétienne au Moyen-âge.

Le changement d’attitude de l’Eglise catholique serait intervenu beaucoup plus tard, avec la Contre-Réforme et le rayonnement du parti dévot de Madame de Maintenon au XVII e siècle. En réaction à la Réforme qui dénonçait l’immoralité et le laxisme des prêtres, l’Eglise catholique inaugura alors une lutte contre les libertins et certaines pratiques dévoyées. Ce courant moralisateur laissa des traces si profondes que plus tard les philosophes des Lumières prirent à leur façon le relais. Voltaire, Montesquieu par exemple avaient l’homosexualité en horreur.

D’un côté, on exalta donc la liberté de penser, l’émancipation des dogmes et des « autorités », et de l’autre on condamnait la débauche. Ce mouvement se poursuivit sous la Révolution. La lutte contre la masturbation, accusée de rendre sourd ou/et aveugle allait de pair avec une pudibonderie étonnante. Après la Révolution, la bourgeoisie prit les rênes du pouvoir et, soucieuse de se démarquer de la noblesse détestée qu’elle jalousait et enviait, adhéra à ces valeurs puritaines. La maîtrise du sexe sera considérée comme le moyen idéal de favoriser la créativité, le goût du travail, et… l’accroissement du capital.

L’Eglise ne fera ensuite que se rallier à ce modèle bourgeois, qui deviendra la norme au cours du développement de la famille moderne, à partir du XVIII -ème siècle jusqu’aux années 1960. Le puritanisme catholique qui a gardé en mémoire la notion de gratuité des ordres mendiants, les vœux de pauvreté, est en même temps marqué par « une vision économiste, gestionnaire, arithmétique de la sexualité » que nous retrouverons tout au long du XX e siècle.

C’est ce puritanisme bourgeois qui sera dénoncé avec la libération sexuelle des années 60, en oubliant la part de l’héritage de ce puritanisme qu’il convient d’attribuer à certains des philosophes des Lumières. Ce qui reviendra en fait comme responsabilité à l’église catholique est le soutien qu’elle apporta à la hiérarchisation des rapports homme-femme, au maintien d’un certain élitisme, au frein qu’elle manifesta à l’encontre des principes égalitaires.

Compte-tenu de la conviction qu’a cette église de posséder la vérité intégrale du christianisme, on ne peut lui faire de reproche puisque par sa nature, elle se considère comme seule détentrice de la vérité, de par sa supériorité « naturelle ». La Congrégation pour la doctrine de la foi n’affirme- elle aujourd’hui encore la primauté de l’évêque de Rome ?

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