Théologie du process par R. Picon

Publié le 4 décembre 2024 à 10:56

La théologie du Process est née au début du XXe siècle aux Etats-Unis et y a connu un retentissement considérable. Les théologiens qui se rattachent à ce courant, John Cobb, David Griffin, Marjorie Suchocki, sont fortement inspirés des travaux du mathématicien et philosophe Alfred Whitehead (1861-1947), de l’empirisme anglais, des sciences de la nature, comme de la physique quantique.

Ils entendent proposer une compréhension générale du réel telle que Dieu et le monde puissent être pensés ensemble, dans leurs interactions créatrices et réciproques. Pour eux, le réel n’est pas composé d’entités statiques et indépendantes les unes des autres, mais se caractérise par un flux constant de transformations et d’interdépendances. La réalité est dynamique, changeante, en « process », la création n’est donc pas définitive et achevée mais évolutive et ouverte sur l’avenir. De même, la personne humaine, comme tout ce qui compose le réel, n’est pas définie une fois pour toutes et reste en constant devenir.

Pour les théologiens du Process, Dieu est pensé comme une force de nouveauté et de créativité qui transforme le monde et qui ne cesse de l’ouvrir sur de nouvelles possibilités. Ces transformations visent à le rendre plus harmonieux, moins déchiré et torturé. « Dieu, écrit John Cobb, est un amoureux du monde qui attire celui-ci toujours plus loin, au-delà de ce à quoi il est parvenu, en affirmant la vie, la nouveauté, la conscience et la liberté, encore et toujours.

Dieu « nous attire vers un avenir ouvert et non depuis un passé établi », précise-t-il encore. Intervenant dans le monde, Dieu se laisse lui-même transformer par ce qui s’y produit. C’est sans doute là que réside la plus grande originalité de la théologie du Process. Dieu n’est pas impassible, lointain et indifférent. Il est affecté par les événements de l’histoire et de notre existence. Sa capacité à susciter une nouveauté est toujours en partie déterminée par l’état du monde présent et par l’ouverture des entités du réel aux forces persuasives de Dieu.

Celui-ci ne peut en effet transformer le monde à sa guise. Il rencontre des résistances, s’affronte aux immobilismes et connaît des échecs. A défaut de pouvoir nous contraindre, il ne peut que nous persuader. C’est ainsi que, pour les théologiens du Process, Dieu permet une nouveauté et se trouve lui-même renouvelé. Comme l’écrivit Whitehead dans son ouvrage intitulé Procès et Réalité (1929), pièce maîtresse de la philosophie du XXe siècle : « Il est aussi vrai de dire que Dieu transcende le monde que de dire que le monde transcende Dieu. Il est aussi vrai de dire que Dieu crée le monde que le monde crée DieuC’est précisément cette dépendance de Dieu à l’endroit du réel qui atténue sa responsabilité devant la marche du monde. Contrairement à ce que l’on croit parfois, pour les théologiens du Process Dieu n’est pas, en lui-même, identifiable à la créativité.

Si tel était le cas, Dieu ne serait pas distinct du réel, il serait une sorte de fluide, d’énergie créatrice qui surgirait à travers toutes choses. Si Dieu était identifié à la créativité, il deviendrait responsable de tout ce qui se passe dans le monde, d’une créativité dont on connaît bien le caractère ambigu, pouvant être tout autant capable de vie, de vérité et d’harmonie que de mort, de mensonge et de chaos. Si Dieu détermine tout ce qui est, le mal devient coextensif à lui. C’est ainsi qu’il convient de penser Dieu : non le responsable de ce qui arrive, mais de la possibilité qu’il arrive quelque echose. Il désigne cette force initiale de vie, à partir de laqu elle une nouveauté peut surgir, à l’image, par exemple, de cette incroyable puissance dee vie qui permet au bébé de sortir du ventre de sa mère

 

Dieu bipolaire
Pour les théologiens du Process, Dieu est « bipolaire », tout à la fois absolu (comme puissance de créativité) et relatif (comme dépendant du reste de l’univers). Cette approche permet de souligner l’unité de Dieu et du monde tout en les maintenant à distance. Eternel et indépendant, à travers sa capacité à faire advenir une nouveauté, Dieu n’est pas pour autant absorbé dans le monde, même s’il demeure toujours avec lui.

Pour ces mêmes théologiens, le Christ désigne cette puissance de créativité à l’œuvre dans le monde et dans nos vies. « A chaque fois que Dieu agit, l’événement Christ se produit, écrit John Cobb. Le Christ est présent en tant qu’il est l’appel qui donne la vie, l’appel à être plus que nous n’étions, à la fois pour notre propre intérêt et dans l’intérêt des autres », précise-t-il encore. Il convient ici de distinguer Jésus et le Christ, le premier nous renvoyant à une personne historiquement déterminée, le second à une fonction ou à un titre, celui d’être oint, choisi, habité par Dieu. Dire « Jésus-Christ » revient à confesser sa foi en un Jésus que nous reconnaissons comme étant le Christ. Ce qui, au yeux des théologiens du Process, rend Jésus si important pour la foi en Dieu, c’est que l’ensemble de son existence est structuré par la présence transformatrice de Dieu.

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